Juan Pujol Garcia, nom de code « Garbo », était une des pépites du MI5, le service de renseignement intérieur britannique. « Le plus grand agent double de la Deuxième Guerre mondiale, et peut-être de tout le XXe siècle », estime même l’historien britannique Christopher Andrew.
Mais c’est bien sa femme, Araceli, qui aurait pu faire basculer l’Histoire et capoter l’opération la plus importante de la Seconde Guerre mondiale… à cause d’une simple dispute de couple. Des documents d’archives récemment déclassifiés par le MI5 et mis en ligne sur le site des Archives nationales dévoilent les dessous de l’histoire.
Une vie à l’anglaise pas du goût de son épouse
Garbo, apparemment motivé par une haine du communisme et du fascisme plongeant ses racines dans la Guerre civile espagnole (1936-1939), a commencé sa carrière dans le renseignement en fournissant aux Allemands, de Lisbonne où il vivait, de fausses informations sur le Royaume-Uni.
Pour rendre ses mensonges plus crédibles, Juan Pujol Garcia pioche dans diverses sources d’informations à sa disposition, un « Guide bleu [un guide touristique], une carte de l’Angleterre, des horaires périmés de train », explique une note du MI5 datée du 12 juillet 1943.
Recruté par les Britanniques, l’agent double débarque clandestinement à Londres en 1942. Il s’illustre notamment au cours de la vaste campagne de désinformation organisée pour tromper les Allemands quant au lieu et à la date choisis pour le débarquement du 6 juin 1944.
Il leur avait transmis des informations indiquant que la Normandie « était une opération de diversion à grande échelle » et que le jour J se déroulerait en fait dans le Pas-de-Calais. Mais la vie que mène le couple à Londres ne plaît guère à Araceli, qui, le 21 juin 1943, menace de quitter Garbo et de se rendre à l’ambassade d’Espagne pour révéler ses activités au régime franquiste.
Une arrestation organisée de toute pièce
Garbo, en bon agent secret, monte un plan digne de sa réputation pour faire croire à sa femme qu’il a été arrêté en raison de son comportement, afin de l’empêcher de mettre ses menaces à exécution.
Elle est même conduite dans un camp réservé aux interrogatoires pour rendre visite à Garbo et présentera ses excuses deux jours plus tard, jurant de ne « jamais faire quoi que ce soit qui puisse compromettre » son travail.
« L’ingéniosité extraordinaire avec laquelle il a conçu et mené à bien ce plan a peut-être sauvé une situation qui aurait pu autrement se révéler ingérable », souligne Tomas Harris.
Après la guerre, l’espion se rend en Angola, simule sa mort, et part recommencer une nouvelle vie au Venezuela, où il meurt en 1988.